ANNE-SOPHIE GUILLET

Inner Self
04.02 – 10.04.2016

Pour la série « Inner Self », Anne-Sophie Guillet (née à Oxford en 1987, vit et travaille à Bruxelles) explique avoir du mal à mettre des mots sur le travail, préférant laisser parler les images. En regardant ces portraits, il apparaît cependant que les images ne parlent pas nécessairement d’elles-mêmes, en tout cas pas d’un discours univoque, ce qui est évidemment le propos même du travail.

A l’image des personnalités qu’elles représentent, à l’image de l’indécision et du trouble qui émanent d’elles, les portraits d’Anne-Sophie Guillet tentent d’atteindre, avec le plus de fidélité possible, cet indéfini qui habite celles et ceux, et tous leurs espaces-temps intermédiaires, qui ont accepté de poser.

Peut-être la photographie est-elle un médium particulièrement approprié pour creuser l’énigme de l’identité quand elle se percute à une indécision de genre. En effet, un arrêt sur image, tel celui qu’Anne-Sophie Guillet recherche, qui allie confiance généreuse et mystérieuse dignité, dit mieux que le mouvement, la force équivoque de l’indécidable. Une image fixe permet peut-être d’atteindre avec plus de profondeur cette fidélité au singulier, à ce qui ne s’apparente pas à du connu, à du déterminé, et qui ne renvoie à rien d’autre qu’à une seule caractéristique commune qui traverse les images, une caractéristique partagée qui s’épèle en trois lettres : « qui ? ».

Commencée en 2013, à l’occasion du travail de fin d’études de cette jeune photographe, alors au terme de sa formation à l’Académie de Bruxelles, cette série « Inner Self » se continue, à la faveur des rencontres inattendues, nécessairement assez rares, que l’artiste fait avec des êtres sortis tout à coup de la stricte dualité qui régit la plupart de nos relations.

Au bout du compte, passé le moment d’ébranlement, ce qui reste est un échange de regards, frontal, les yeux dans les yeux entre le spectateur et la personne dans l’image. Ce qui se matérialise alors, au-delà du silence étrange qui émane de ces photos, c’est un dialogue muet, dense pour qui sait prendre son temps face à l’autre, qui fait ricocher les attentes déçues, émiette les certitudes et nous laisse seul(e) à seul(e) avec ces trois lettres qui nous ressemblent aussi, qu’on le veuille ou non, qu’on l’accepte ou non : « qui ? ».

Anne-Françoise Lesuisse

www.annesophieguillet.com