MICHAËL BRIGLIO-NIGRO

Crystal Voyager
01.02.2017 – 09.04.2017

Crystal Voyager est le titre d’un film de surf culte, réalisé en 1973 et surtout connu aujourd’hui comme le support visuel de la chanson de Pink Floyd, « Echoes », une mélodie psyché et planante de 23 minutes que les images envoûtantes des vagues californiennes, des rouleaux étourdissants en plan subjectif, renforcent et brouillent à la fois. De l’évocation de cette union extatique entre image et musique, qui donne son titre à l’exposition, on retiendra l’idée d’une pénétration dans la doublure ou les poches du réel, là où le prosaïque le plus familier est suspendu à l’étrangeté et au trouble.

Sur son Tumblr, Michaël Briglio-Nigro (1981, vit et travaille à Liège) dit de lui : « I’m a product of the 80’s ». Crânement énoncée, cette affirmation recèle aussi une part de désenchantement, un peu à l’image de cette étrange décennie, marquée par l’extravagance visuelle, qui amorce véritablement à cette époque son infiltration dans le quotidien, tout en étant aussi comme le dit Michel Houellebecq « l’ère du cynisme, du porno, du fric ». L’un et l’autre n’étant évidemment pas contradictoires…

Cette subtile présence mélancolique, comme un spleen de fin de fête, un silence de nuit éclairé au néon ou une solitude soudaine au cœur d’une foule, se retrouve dans les images de Michaël Briglio. Celles-ci éclatent pourtant de couleurs mais le noir y est intimement présent et enveloppe l’image, la leste d’une angoisse latente. Ce sont souvent des couleurs nocturnes, des lumières artificielles acidulées que le photographe emprisonne dans le flou, le halo, le reflet ou l’ombre. Cette façon de déformer la lumière, de lui donner un écho obscurément inquiétant à travers diverses formes de réverbérations, construit une topologie photographique où tout semble devenir architecture : une vitrine, une voiture, des pas dans une rue, un sachet plastique virevoltant, des plantes vertes… Tout est matière à tensions abstraites, à décadrages coupants, à lignes de force sans profondeur de champ. Comme une abstraction géométrique encore toute pénétrée d’une sensibilité aux écorchures du réel.

Témoins de moments singuliers et banals à la fois, les images de Michaël Briglio-Nigro jaillissent d’une rue quelconque, sans histoire autre que celle du photographe qui en saisit, à la faveur d’une apparition dont lui seul détient la clé, un instant halluciné, témoin d’un paysage mental aussi bien que d’un morceau d’espace circonscrit qui porte en lui la trace du factice et de la plus pure spontanéité. Des images-synthétiseur…

(A côté de ce travail qui allie l’onirisme sombre avec une imagerie rutilante, le romantisme noir de la désillusion avec la pop culture, Michaël Briglio poursuit également une série plus classique en noir et blanc, où les portraits notamment sont plus présents mais là aussi teintés de ce sentiment de perte ou de nostalgie.)

Anne-Françoise Lesuisse

michaelbriglio.tumblr.com