Through Nowhere – Brutal Unfeelingness
29.06 – 04.09.2016

Le titre de l’exposition de Nagib Chtaïb, « Through Nowhere – Brutal Unfeelingness » pourrait se traduire comme : « par nulle part – insensibilité brutale ». Titre ambigu, énigmatique même, qui ne dit rien qu’une sorte de vide, d’absence ou d’errance intime…
Pourtant, les images de Nagib Chtaïb sont chargées de tensions. Quelque chose tente de s’y frayer un chemin sur lequel il n’est pas simple de mettre des mots : une légère angoisse, le sentiment de quelque chose d’excessif, une histoire qui va jusqu’au bout de ses actes sans pourtant se résoudre, d’autres choses encore qu’il appartiendra à chacun de nommer.
Nagib Chtaïb, révélation de la promotion 2014-2015 à l’Ecole supérieure des arts de Saint-Luc et aujourd’hui photographe de mode, recycle dans son travail personnel la limite des codes de la photographie fashion, c-à-d de l’image « pure », de l’image qui assume le plus profondément ses deux dimensions, qui assume le plus intensément sa qualité et sa puissance de surface. Entre sa profession et ses travaux artistiques, la même qualité de regard ; le même savant travail de décadrage troublant ou, au contraire, de centralité éblouissante ; le même sens aigu de la pose ou de l’instant parfait. La seule différence est la liberté que Nagib Chtaïb exploite dans la série proposée, une liberté où s’inscrivent en filigrane la subversion, un parfum de décadence et des échos à l’imagerie gay, le tout offrant des images à la marginalité brillante.
L’artiste écrit sur ce travail : « S’y révèle (…) une enquête sur le magnétisme des énigmes, essence d’une obsession pour l’image. Distribués ça et là, les indices d’un spectacle inévitable, dont le destin infini semble celé par les dispositifs plastiques et narratifs, comme enfermé dans le monde étourdissant des images et des hors champs sans limites, proposent l’expérience d’un malaise visuel qui s’attaque à la logique. Des images qui harcèlent.
L’irrévérence et la quête d’identité, thématiques centrales, sont les moteurs des attitudes rebelles, des extravagances, des expérimentations, des troubles et des passions propres aux créatures désaxées représentées. Conséquences dramatiques, spectaculaires, équivoques. Des créatures qui ont le goût du risque. »
A très grande distance du psychologisme et de l’intériorité silencieuse, les corps et les décors chez Nagib Chtaïb fonctionnent comme des icônes sans passé auxquelles il donnerait vie dans un monde post-moderne, déchu, en proie aux flammes, aux styles et au mouvement. On comprend mieux alors le titre : si l’énergie peut être mortifère, elle est énergie malgré tout, elle passe à travers et ne s’encombre pas des attentes.
Anne-Françoise Lesuisse
