Et maintenant ?
20.04 – 26.06.2022
Dans le cadre de Temps d’Archi #5 – Fluctuations, une organisation de l’ICA.
Une quinzaine de jours après les inondations dévastatrices de juillet 2021, Michel Tonneau (né en 1967, vit et travaille à Liège) commence à parcourir les vallées de la Vesdre et de l’Ourthe pour aller à la rencontre de celles et ceux qu’on appelle dorénavant « les sinistré.es ».
Photojournaliste local depuis 15 ans, Michel Tonneau a l’habitude de nouer lien avec des situations, des paysages et des gens en crise. Il sait comment faire d’une photographie quelque chose de différent du texte qui décrit ou explique, quelque chose qui détient d’autres informations, d’autres émotions. Face à la catastrophe, Michel Tonneau réalise ce projet personnel, en s’extrayant des contraintes de son métier (il s’engage dans un souci de solidarité) mais en gardant ses plus grandes forces, notamment celle de conserver des traces indispensables afin de consigner ce qui s’est passé.
Le protocole suivi par le photographe se voulait le moins intimidant possible : d’abord faire connaissance et parler; ensuite demander à exécuter un portrait sur place, dans les lieux marqués par les stigmates de l’eau; enfin réaliser l’image sans donner de consigne sur l’attitude, en invitant simplement les personnes à s’asseoir sur un modeste siège tripode et en les éclairant au flash. Le long des berges de la rivière, Michel Tonneau a aussi récolté quelques objets perdus ou jetés dont la portée symbolique dit la violence de la catastrophe.
Le résultat est d’une intensité rare. Dans les portraits, la douleur, la dignité, l’épuisement, l’espoir, le fatalisme, l’amour, la force, le courage, et tant d’autres sentiments jaillissent vers nous depuis la surface de l’image, des regards, des corps. Au sein de ces intérieurs nus, qu’il a fallu vider de tous les choses familières, racler et racler encore, nettoyer et nettoyer encore, Michel Tonneau nous met face à des résistant.es déchiré.es dont l’avenir et la mémoire ont basculé en l’espace de quelques heures. Le « et maintenant ? » du titre, c’est tous les jours, encore aujourd’hui et encore demain, que ces victimes se le posent. Les images de Michel Tonneau le rappellent avec force. Espérons que ce témoignage unique, dont la grandeur n’a d’égal que la modestie de son auteur, permette que jamais ne s’effacent les histoires de ces hommes et de ces femmes.
